jeudi 31 juillet 2008

Kalm

Son frère avait fait revivre en elle de nombreux souvenirs égarés. Il avait tenu à savoir ce qui s'était passé pour elle depuis toute ces années. C'est ainsi qu'elle replongea peu à peu dans les tréfonds de sa mémoire...

Petite fille du chef du village, tous les habitants étaient sympathiques avec elle. Rare était une ballade qui ne trouvait caresses ou baisers sur son chemin. Toujours enjouée et souriante, d'une blondeur éclatante, chacun s'accordait à dire qu'elle était le reflet vivant de sa défunte mère. Elle entendait cette même remarque plusieurs fois par jour, mais ces mots n'avaient aucun sens pour elle ; sa mère avait disparu depuis bien longtemps, et sa mémoire de fillette ne se souvenait pas de cette dame. Pour elle, du haut de ses quelques années, seules deux personnes avaient leur place dans son cœur : son grand-père chéri, toujours là pour elle, toujours prêt à lui conter des aventures fantastiques qui la faisait rêver, et son frère Zelos. Elle était fière de l'avoir pour grand-frère. Elle voyait bien comme les autres le respectait déjà, même si elle était trop jeune pour en comprendre les véritables raisons. Au fond, peu lui importait, il la protégeait toujours, et serait toujours là pour elle, elle le savait....
La guerre n'était qu'un mot de plus dans ses oreilles de fillette, et ce matin là, elle ne compris pas où il partait. Elle était là pour son départ, dans les bras de son grand-père. La petite troupe se mit en route. Jamais l'image de son frère ne la quitta. Un dernier regard lancé en arrière, accompagné d'un sourire. Elle lui répondit par un grand signe de la main, et d'un éclat de rire.... Dernière image avant qu'il ne la retrouve des années plus tard dans la contrée de Plumodhil.

Quelques heures après son départ, tout semblait trop calme dans un Kalm semi-désert. Sheena s'éloigna des autres petites filles. Elle se mit en quête d'un branchage en forme d'Y pour essayer de refaire seule cette petite arme très pratique que Zelos lui avait montré. Sa main droite triturait sans cesse un petit cordon élastique qui se trouvait au fond de sa poche. Ses pieds nus avançaient sur les feuilles, puis dans le petit ruisseau en contrebas du village. Elle adorait le contact de l'eau, et ne put s'empêcher de se mettre à courir, éclaboussant sa robe au passage. Elle trouva enfin le petit bâton tant recherché. Elle s'installa alors sur un petit rocher, et entrepris d'unir bâton et cordon. Elle penchait sa petite tête tout en tirant la langue, très concentrée sur sa besogne.

Soudain, un hurlement strident retentit en provenance du village. La petite fille fût pétrifiée un instant. Elle écouta, les oreilles aux aguets : elle percevait des pleurs et des cris, des entrechoquements métalliques et des bruits sourds. Elle sentit la présence des chevaux, le bruit mat que faisait leurs lourdes pattes s'écrasant sur la terre... Mû par une peur immense, elle se mit à courir, droit devant elle , en direction de son grand-père. Son cœur battait si fort....Après une course effrénée qui lui paru interminable, elle arriva enfin.

La place était méconnaissable... Des corps sans vie juchaient le sol, des plumes de poules volaient, perdues par les volailles qui s'agitaient en caquetant bruyamment... Sheena s'arrêta de courir, et se plaça en retrait, derrière une botte de paille, près des écuries. Son regard était hypnotisé par ses hommes, vêtus de brillantes armures, équipés d'armes qu'elle n'avait encore jamais vus auparavant. Sur leurs chevaux, ils paraissaient être vraiment grands pour ses yeux d'enfants. L'un d'eux avaient une sorte de disques accroché à la ceinture. Cet homme paraissait encore plus cruel que les autres, et se tenait à présent à quelques mètres du grand-père de Sheena. Ce dernier se tenait droit, le regard planté dans les yeux de l'homme qui lui faisait face. Il n'implora pas sa pitié ou sa clémence, il était préparé à mourir dignement. D'un geste fluide et rapide, l'homme se saisit du disque et le lança sans hésiter en direction du grand-père. Alors Sheena cria, si fort ! La mort de son grand père fut rapide. Le sang avait giclé. Sheena garda gravé dans sa mémoire ce ciel bleu entaché pendant un court instant par le sang de son grand père. Sans trop savoir comment, ni pourquoi, elle se mit à courir de toutes ses forces vers cet homme, sans cesser de crier. Elle n'hésita pas un instant , et d'un saut souple, elle se hissa sur le dos du cheval sur lequel il se tenait, impassible. Et là, dans un désespoir ultime, elle se mit à le frapper. Elle y mit toute son énergie, toute sa volonté, sa haine pour cet individu. Mais que pouvait une si petite fille face au meurtrier de son grand-père ? L'homme la contempla un instant, étonné. Puis, il se mit à rire, un rire tonitruant. Ces hommes se retournèrent vers lui : ils virent cette sauvageonne détrempée, pleurant et tambourinant leur chef. Un fou rire général se répandit dans le village souillé par le sang, la mort et le désespoir. Sheena tapait encore et encore, des larmes coulant sur ses joues... Puis elle s'évanouit.....

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